Le géant a la tête dans les nuages. Peut-on lui en vouloir de rêver?

Il voit la vie sous un autre angle. Trop loin pour apprécier les petites choses, souvent hors d’atteinte pour se faire entendre.

Il doit ajuster ses pas et marcher doucement pour ne pas écraser les fleurs. Mais il sait prendre le temps pour bien les sentir et les regarder. C’est normal: il les voit si rarement. Il n’a d’autre choix que d’être sensible au monde des petits. Mais pour bien le faire, il doit s’accroupir, se mettre à notre niveau. Avec le temps, ça use les genoux…

Le géant a appris à chuchoter, à bien écouter. C’est la seule façon de communiquer avec le reste du monde. Ça fait de lui l’ami parfait. On se sent protéger, on se sent fort. Les géants nous font de l’ombre si on a trop chaud, nous rapprochent du soleil lorsqu’on a trop froid. Ils nous élèvent et nous supportent de leurs grosses mains maladroites, mais si puissantes.

On ne choisit pas d’être géant. Il n’y a pas de mode d’emploi. Le monde n’est pas fait pour autant de grandeur. On les redoute, on les admire. On les envie, on les plaint. Le géant veut se faire petit. Il voit le monde avec plus de recul. Il voit la terre, il voit la forêt. Plus haut, plus grand, plus loin. Être un géant ça donne le vertige.

Être un géant, ça implique de la maladresse, de la lourderie. Tout joue contre nous. Les lois de la physique, la gravité, les hauteurs. Les bras et les jambes du géant peuvent abattre un arbre à la moindre inattention. Être géant, c’est ne pas toujours être conscient et comprendre la portée de nos gestes. D’une gorgée d’eau on peut assécher un lac. D’un pas vers l’avant on peut écraser un rocher. On doit constamment être sur nos gardes. À la longue, ça épuise.

De géant, il n’y a pas que les membres. Il y a aussi le cœur. Un cœur capable d’aimer à l’infini. Mais un cœur capable d’une souffrance immense. Tout est plus grand, plus gros, plus fort. Le géant peut soulever des maisons. Le géant peut aussi tomber de très haut. Les larmes du géant peuvent inonder une plaine. Alors il se retient. Et nous on y croit. On se dit que les géants, ça ne pleure pas.

Être géant, c’est vivre la démesure dans un monde ou tout doit être mesuré. Être géant, c’est avoir constamment peur du poids qu’on impose dans un monde où tout est soupesé. Être géant, c’est pouvoir toucher le ciel en sachant qu’on ne pourra jamais voler.

Le géant observe. Par nécessité, pour comprendre un monde qui est souvent trop loin. Il préfère se retirer, regarder, comprendre.

Les géants tombent forts. Leur chute est presqu’impossible à freiner du haut de nos trois pommes. On regarde la descente, tel un arbre centenaire qui s’affale tranquillement. On est à la fois subjugué par l’étendu des dégâts et incrédule face à cette faiblesse. Qui aurait cru qu’une tour si haute et si forte puisse tomber?

Les géants protègent ceux qu’ils aiment. Par devoir, par responsabilité.

Mais qui protège les géants?

Les géants se sentent souvent seuls. C’est difficile de voir les gens au sol quand on est si grand. Il faut attirer leur attention et leur montrer qu’on est tout près. Ça les rassure.

Les géants ont peur de trébucher. C’est difficile de faire des boucles avec d’aussi gros doigts. On doit s’assurer que leurs chaussures sont bien attachées. Ça leur donne confiance.

Les géants ont besoin de beaucoup d’amour. C’est difficile d’entendre les murmures quand nos oreilles sont si hautes. Il faut leur dire qu’on les aime le plus fort qu’on peut! Ça les fait sourire.

Les géants ont l’air puissant, invincible. Mais quand ils disparaissent, ils laissent un vide immense.

Heureusement, leurs traces sont si grandes et profondes qu’on ne pourra jamais les effacer. C’est même l’endroit parfait pour y faire pousser des fleurs.

J’ai eu la chance de connaître un géant. Il n’était ni légende, ni conte. Il était réel. C’était le plus beau des géants. Il fait maintenant parti d’une histoire. Comme tous les géants avant lui.

💚

– PLP

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